Image : DALL.E et Photoshop

Introduction

L’oxygène, dont le symbole est O et le numéro atomique 8, est un élément chimique essentiel à la vie sur Terre. C’est aussi le troisième élément le plus abondant dans l’univers, après l’hydrogène et l’hélium. Il appartient à la famille des chalcogènes, et on le trouve principalement sous forme moléculaire (O₂) dans l’atmosphère terrestre. Incolore et inodore à l’état gazeux, il devient magnétique à des températures extrêmement basses. L’oxygène se retrouve également dans l’eau (H₂O) — il représente environ un tiers du poids total des océans — dans les roches et dans de nombreux composés organiques.

Cette série présente les éléments du Tableau périodique des éléments chimiques. Ce répertoire, conçu vers 1869 par Dmitri Ivanovich Mendeleïev, rassemble tous les éléments chimiques, qui composent l’univers, tel que nous le connaissons aujourd’hui. L’ingéniosité de ce Tableau tient dans la méthode de répartition des éléments, selon leur numéro atomique, mais aussi selon leurs caractéristiques physiques et chimiques. Ce classement astucieux permet alors d’identifier des éléments existants qui restaient à découvrir, ou même de prédire les propriétés d’éléments chimiques inconnus à l’époque. Sa dernière mise à jour date de 2016, et compte 118 éléments.

L’oxygène est un comburant, indispensable à la combustion ; sans lui, le feu ne peut pas exister. Il est vital pour la respiration cellulaire, mais il devient toxique à des pressions élevées.

L’oxygène au passé

— La Grande Oxygénation

Il y a environ 2,4 milliards d’années, notre planète a connu une transformation déterminante : la Grande Oxygénation. À cette époque, l’atmosphère ne contenait presque pas d’oxygène et seuls des organismes anaérobies (qui vivent sans oxygène) peuplaient la Terre. L’apparition des cyanobactéries, les premiers organismes capables de photosynthèse, a tout changé. Ces micro-organismes, en émettant de l’oxygène comme sous-produit de leur métabolisme, ont progressivement transformé l’atmosphère primitive.

Ce bouleversement représente la toute première « pollution » atmosphérique majeure de l’histoire de la Terre. L’oxygène, qui est alors toxique pour la plupart des formes de vie, déclenche une extinction massive. Paradoxalement, cette « catastrophe » ouvre la voie à l’évolution des organismes complexes qui peuplent aujourd’hui notre planète.

Des preuves géologiques de cet événement sont observables dans les formations de fer rubanées (Banded Iron Formations ou BIF). Ces strates rougeâtres se sont formées lorsque l’oxygène produit par les cyanobactéries a oxydé le fer dissous dans les océans primitifs, qui s’est ensuite déposé en couches successives au fond des mers. Ces formations constituent plus de 60 % des réserves mondiales de fer et sont la principale source du minerai exploité. La plupart se retrouvent en Australie, au Brésil et en Chine. Au Canada, on en trouve entre autres dans la Fosse du Labrador et dans la région du lac Supérieur.

Formations de fer rubanées (BIF)

— Lavoisier et l’identification de l’oxygène

L’oxygène doit son nom et la connaissance de ses caractéristiques à Antoine Lavoisier. Au 18e siècle, ce chimiste français tente de percer un mystère qui préoccupe ses pairs : pourquoi les métaux gagnent-ils du poids en se corrodant ? La théorie de l’époque, celle du phlogistique, suppose qu’une substance mystérieuse s’échappe des matériaux au cours de leur combustion. Mais cette explication semble incohérente : comment un métal pourrait-il devenir plus lourd en perdant quelque chose ?

En 1774, le chimiste anglais Joseph Priestley isole un nouvel élément gazeux, qu’il baptise « air déphlogistiqué » — qui serait exempt de cette substance s’échappant lors de la combustion. En répétant ces expériences, Lavoisier comprend qu’il ne s’agit pas d’une substance qui s’échappe pendant la combustion, mais plutôt d’un nouvel « air » qui se combine avec les matériaux.

Il nomme ce gaz « oxygène » (du grec « qui engendre des acides »), convaincu — à tort — qu’il est nécessaire à la création de tous les acides. Il démontre surtout que l’oxygène est l’élément clé de deux phénomènes fondamentaux : la combustion et la respiration. Il prouve que ces deux processus sont en fait similaires, impliquant tous deux une combinaison avec l’oxygène, mais à des vitesses différentes.

Dans son Traité élémentaire de chimie, publié en 1789, Lavoisier établit l’oxygène comme un élément chimique à part entière, jetant les bases de la chimie moderne. Sa carrière de scientifique sera brutalement interrompue par la Révolution française : il sera guillotiné en 1794 pour ses fonctions d’administrateur public et financier exercées en parallèle de ses recherches. Son collègue et mathématicien Jean-Louis Lagrange aurait alors déclaré : « Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête, et cent années peut-être ne suffiront pas pour en reproduire une semblable. »

L’oxygène au présent

— Le ciel bleu, une question d’atmosphère

« Donnez-moi de l’oxygène ! »* Ce cri du cœur bien connu illustre une confusion répandue : l’air que nous respirons serait principalement composé d’oxygène. Or, que ce soit sur terre ou dans le ciel, notre air se compose toujours du même mélange de gaz : 78 % d’azote, 21 % d’oxygène et 1 % d’autres gaz.

Cette atmosphère joue un rôle non négligeable dans un phénomène que nous observons (presque) chaque jour : la couleur bleue du ciel. Quand la lumière du Soleil le traverse, elle croise les molécules d’air, principalement de l’azote et de l’oxygène. Ce sont ces rencontres qui sont à l’origine de la « diffusion de Rayleigh », nommée d’après le physicien britannique qui l’a décrite en 1871 : ces minuscules molécules diffusent davantage la lumière bleue.

La lumière (blanche) du soleil est composée d’ondes électromagnétiques de différentes longueurs d’onde. Chaque longueur d’onde correspond à une couleur spécifique. Lorsque la lumière solaire rencontre une molécule d’air, elle est momentanément « capturée », puis relâchée dans une direction aléatoire. Le bleu correspond à des longueurs d’onde courtes, qui interagissent plus avec les molécules de l’air.

Cette découverte, qui valut à Lord Rayleigh le prix Nobel de physique en 1904, permet aussi de comprendre pourquoi le ciel nous paraît orange et rouge au coucher du soleil. Lorsque la lumière traverse une plus large épaisseur d’atmosphère, seules les longueurs d’onde les plus longues parviennent jusqu’à nos yeux — les courtes ont été dispersées (diffusées) en chemin.

*Tiré de la chanson Oxygène, de Luc Plamondon et Germain Gauthier, interprétée originalement par Diane Dufresne

Spectre électromagnétique

Sources : Agence spatiale canadienne, NASA/J. Olmsted, STScI.)

— Les océans respirent moins bien

La désoxygénation des océans s’accélère. Entre 1960 et 2010, ils ont perdu 2 % de leur teneur en oxygène. Cette transformation silencieuse, mais considérable, menace l’ensemble du monde marin.

Le mécanisme est complexe. Tout d’abord, le réchauffement des océans réduit leur capacité à retenir l’oxygène. L’eau froide a une aptitude plus élevée à dissoudre (intégrer) les gaz, en raison de l’agitation thermique plus faible des molécules d’eau — ce qui facilite leur rétention. Lorsque l’eau se réchauffe, l’agitation moléculaire accrue favorise l’évasion des gaz dissous vers l’atmosphère. Ensuite, ce même réchauffement accentue la stratification des océans : les couches d’eau chaude en surface et froide en profondeur se mélangent moins, limitant le transport de l’oxygène vers le fond. À ces phénomènes s’ajoute l’eutrophisation : l’excès d’apports en nutriments, en particulier d’origine agricole, entraîne une prolifération d’algues qui, en se décomposant, consomment l’oxygène disponible.

Les conséquences sont déjà manifestes. Les « zones mortes », ces secteurs marins où l’absence d’oxygène rend la vie impossible à la plupart des organismes, se multiplient. Ces déserts sous-marins obligent les populations à migrer ou à disparaître. Les grands prédateurs, dont le thon, qui sont sensibles aux faibles concentrations en oxygène, voient leur habitat se restreindre. À l’inverse, les espèces vivant dans les profondeurs, habituées à de moindres taux, deviennent vulnérables à toute baisse.

Selon les projections scientifiques, si les émissions anthropiques ne ralentissent pas, les océans pourraient subir une perte supplémentaire jusqu’à 4 % d’ici 2100. Des solutions émergent progressivement. La limitation des déversements agricoles en zone côtière a montré des résultats positifs. L’établissement d’aires marines protégées permet quant à lui aux écosystèmes de mieux résister à ces changements. De plus, l’interconnexion entre des aires existantes d’un territoire donné peut renforcer la résilience des environnements et rétablir la biodiversité.

Dans la pharmacie

– Les capteurs d’oxygène personnels

La mesure de l’oxygène sanguin, longtemps réservée aux hôpitaux, s’invite maintenant dans nos montres connectées et nos bracelets intelligents. Cette démocratisation suscite autant d’enthousiasme que de préoccupations quant à la précision de ces nouveaux outils de surveillance.

Les oxymètres fonctionnent grâce à un principe optique : l’hémoglobine absorbe différemment la lumière rouge et infrarouge selon qu’elle transporte ou non de l’oxygène. Les oxymètres médicaux, qui se fixent au bout du doigt, doivent respecter des normes rigoureuses.

Bien que certains modèles de ces capteurs miniaturisés dans nos objets connectés puissent se rapprocher des normes médicales dans des conditions optimales — c’est-à-dire, au repos total, ils perdent rapidement en efficacité lors d’activités quotidiennes. Les mouvements corporels, la température de la peau ou sa pigmentation peuvent influencer les mesures, entraînant des résultats inexacts. Santé Canada déconseille l’utilisation de ces dispositifs grand public pour prendre des décisions médicales.

Malgré ces limites, ces capteurs ouvrent des perspectives intéressantes. Ils permettent, entre autres, de détecter les troubles du sommeil, de suivre les athlètes en altitude, ou encore d’aider les patients en téléconsultation. Dans le doute, vous pouvez vous adresser à votre pharmacien.ne.

L’avenir de l’oxygène

— L’oxygène noir, mystère des abysses

En 2024, une découverte inattendue remet en cause notre compréhension de la création d’oxygène sur Terre. À plus de 4 000 mètres sous la surface, dans l’obscurité totale des plaines abyssales, des chercheurs ont observé un phénomène surprenant : la production d’oxygène en l’absence de lumière.

Le phénomène est constaté en 2024, lors d’études évaluant l’impact environnemental d’une exploitation des nodules polymétalliques, des agglomérats minéraux trouvés dans les fonds marins au centre du Pacifique. Ces objets, apparemment inertes, sont impliqués dans des réactions chimiques qui produisent de l’oxygène, sans nécessiter la moindre luminosité solaire. Ce processus, nommé « oxygène noir », éclaire d’un jour nouveau les théories sur l’apparition de la vie sur Terre.

Nous pensions que l’oxygène de l’atmosphère provenait exclusivement de la photosynthèse réalisée par les premiers organismes vivants —voir plus haut. Cette découverte nous permet d’envisager d’autres scénarios, et ses répercussions dépassent le cadre terrestre. Elle élargit notre compréhension des milieux propices à la vie ; les exobiologistes réévaluent désormais les critères de recherche de vie sur d’autres planètes, en particulier dans les océans souterrains d’Europe et d’Encelade, les lunes glacées de Jupiter et Saturne, où des conditions similaires pourraient exister.

— L’oxygène sur Mars

L’oxygène sur Mars est l’un des plus grands défis contemporains de l’exploration spatiale. L’atmosphère martienne, qui se compose principalement de dioxyde de carbone (96 %), ne contient que 0,13 % d’oxygène. Pour permettre une présence humaine durable sur la planète rouge, il faudrait produire de l’oxygène sur place.

C’est dans cette perspective que la NASA a intégré à l’astromobile (rover) Perseverance*, qui s’est posé sur Mars en 2021, l’unité MOXIE (Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment). De la taille d’une boîte à lunch, ce module transforme le CO2 de l’atmosphère martienne en oxygène, par électrolyse.

Les résultats sont remarquables : au cours de ses 16 cycles de production entre 2021 et 2023, MOXIE a généré entre 6 g et 12 g par heure, pour un total de 122 g. En moyenne, un humain sur Terre consomme environ 700 g d’oxygène par jour. Une version plus grande et plus puissante de MOXIE pourrait donc non seulement fournir l’oxygène nécessaire aux astronautes, mais aussi servir à fabriquer le carburant du voyage du retour. La propulsion des fusées nécessite de grandes quantités d’oxygène liquide.

D’autres approches sont étudiées afin de créer de l’oxygène sur Mars. Des chercheurs explorent entre autres l’utilisation de bactéries génétiquement modifiées, qui seraient capables de réaliser la photosynthèse dans les conditions martiennes.

* Farah Alibay, ingénieure québécoise, a contribué au projet Perseverance en collaborant aux nombreux essais terrestres nécessaires avant le décollage vers la planète Mars.

MOXIE (Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment)

MOXIE (Mars Oxygen In-Situ Resource Utilization Experiment)

L'astromobile Perseverance

L’astromobile Perseverance / Images : wikipedia

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