Le sable commun est formé en grande partie de grains de quartz, composé de dioxyde de silicium, ou silice.
Image : DALL.E et Photoshop.
Introduction
Élément chimique prédominant sur notre planète, le silicium porte le symbole « Si » et le numéro atomique 14. De la famille des métalloïdes, il possède des propriétés intermédiaires entre celles des métaux et des non-métaux, ce qui le rend particulièrement polyvalent. Le silicium a une densité dite anormale ; contrairement à la plupart des éléments, elle est plus élevée sous forme liquide (vs solide), comme l’eau.
Cette série présente les éléments du Tableau périodique des éléments chimiques. Ce répertoire, conçu vers 1869 par Dmitri Ivanovich Mendeleïev, rassemble tous les éléments chimiques, qui composent l’univers, tel que nous le connaissons aujourd’hui. L’ingéniosité de ce Tableau tient dans la méthode de répartition des éléments, selon leur numéro atomique, mais aussi selon leurs caractéristiques physiques et chimiques. Ce classement astucieux permet alors d’identifier des éléments existants qui restaient à découvrir, ou même de prédire les propriétés d’éléments chimiques inconnus à l’époque. Sa dernière mise à jour date de 2016, et compte 118 éléments.
Jöns Jacob Berzelius, l’un des pionniers de la chimie moderne, isole le silicium pour la première fois en 1824. Le chimiste suédois est aussi reconnu pour avoir introduit la nomenclature chimique actuelle, qui recourt aux symboles pour désigner les éléments. Ses travaux mèneront d’ailleurs à la découverte de plusieurs de ces éléments, tels que le sélénium, le cérium, le thorium, le zirconium et le titane.
Présent en quantité sur la Terre, le silicium forme 15 % du globe terrestre, après l’oxygène (33 %) et le fer (33 %). Il représente 29 % de la croûte continentale, 21 % de la croûte océanique et du manteau, et 11 % du noyau externe. Pourtant, le silicium pur n’existe pas naturellement et se trouve toujours combiné à d’autres éléments, surtout l’oxygène, sous forme de silice (SiO2).
Le silicium est indispensable tout au long de l’histoire de l’humanité. Bien avant l’ère numérique, les humains utilisaient déjà des pierres riches en silice pour fabriquer leurs outils. Aujourd’hui, il demeure au centre de la révolution technologique, entre autres dans les domaines de l’énergie, de l’électronique et du génie biomédical.
Le silicium au passé
— Le silicium utile dès l’âge de pierre
Sans la silice, les hominidés n’auraient pas développé les mêmes techniques de survie. Le silex, ou silice, une pierre dure, a la particularité de produire des éclats tranchants, matière idéale pour le façonnage des pointes de flèches, des haches et des grattoirs. Ces outils permettent de chasser, de couper du bois et de préparer des peaux animales. La maîtrise de la taille du silex constitue une avancée technique majeure dans l’évolution, qui facilite les activités du quotidien et augmente l’espérance de vie des premiers humains. Parmi les artefacts les mieux connus de la période du paléolithique, notons le nucléus et la méthode Levallois.
L’obsidienne est une pierre d’origine volcanique aussi riche en silicium, de texture vitreuse, et aux bords encore plus durs et tranchants, parfaits pour la découpe fine. Sa rareté, puisqu’elle se trouvait en zones volcaniques, en fait un matériau précieux. Une partie de la Route de la soie aurait été empruntée bien avant l’Empire romain, et parmi les marchandises échangées alors, il y aurait eu « l’or noir du Néolithique » (entre 9000 et 2000 avant notre ère). Toutefois, en 2023, dans l’Éthiopie actuelle, des archéologues ont découvert un atelier de fabrication d’outils en obsidienne vieux de 1,2 million d’années !
— Le silicium sur la Lune
Le 21 juillet 1969, l’Homme a marché sur la Lune pour la première fois, et les astronautes Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont déposé sur son sol un disque de silicium. Ce disque, de la taille d’une pièce de monnaie, contient les Messages de bonne volonté du monde entier — ou presque.
À peine un mois avant le lancement de la fusée Apollo 11, 116 pays furent contactés par la Nasa et le Département d’État des États-Unis afin de rédiger leurs vœux pour la postérité. Seulement 73 dirigeants ont répondu à temps, dont le premier ministre du Canada de l’époque, Pierre Elliott Trudeau. Une entreprise du Massachusetts met au point ce courrier inédit, à l’aide de techniques photolithographie (transfert d’images sur un support), similaires à celles employées pour les puces électroniques.
La structure cristalline du silicium, et ses propriétés mécaniques qui combinent dureté et malléabilité permettent une gravure microscopique précise, sans risque de fissures. De plus, le silicium peut résister à des températures élevées sans se déformer, assurant la durabilité des gravures dans les conditions extrêmes de l’espace. L’ensemble de l’initiative démontrait tant les avancées technologiques de l’humanité que son espoir d’un avenir pacifique.
Le silicium au présent
— La Silicon Valley ou la vallée du silicium
L’épicentre de l’industrie des hautes technologies trouve ses racines dans les années 1930 et 1940. Sa naissance est souvent attribuée à l’initiative de Frederick Terman, professeur à l’Université de Stanford en Californie, qui encourageait ses étudiants à créer leurs propres entreprises axées sur l’innovation technologique. Parmi les plus célèbres figurent William Hewlett et David Packard, ingénieurs en électronique. Dans un garage de Palo Alto, ils fondent Hewlett-Packard (HP) en 1939. À l’époque, cette petite ville de banlieue de San Francisco, à deux kilomètres de l’université, demeure tout de même à vocation rurale.
Dans les années 1950, les recherches sur les semi-conducteurs et l’avènement des transistors marquent un tournant déterminant pour l’électronique moderne. Plusieurs entreprises œuvrant dans ce secteur s’installent dans la région. Elles profitent entre autres du bassin d’étudiants issus de Stanford (université privée) et de sa rivale publique, Berkeley — parenthèses : c’est à Berkeley que 16 éléments chimiques du Tableau périodique furent découverts, un record mondial !
En 1971, le journaliste Don Hoefler a besoin d’un titre pour une série d’articles à propos de l’industrie des semi-conducteurs, dont le plus prisé est le silicium. Suivant les conseils d’un ami, qui à son tour s’inspire de l’usage populaire, il choisit Silicon Valley USA, ou « La vallée du silicium, É.-U. ». Le reste, c’est l’Histoire…
Siège social de plus de 6000 entreprises, dont Apple, Alphabet (Google), Meta, Netflix et Open AI, la vallée chère à Steve Jobs et Bill Gates est encore aujourd’hui — et plus que jamais ? — un centre névralgique mondial de l’innovation technologique. En 2024, la capitalisation boursière de la région a atteint un sommet historique de 14,3 trillions de dollars (14,3 milliards de milliards). La Silicon Valley est aussi à l’avant-garde des avancées en intelligence artificielle générative, avec une augmentation de 220 % des investissements, pour la même période.
— La silice des diatomées, un matériau fascinant
Les diatomées, ou Bacillariophyta sont des organismes microscopiques — deux micromètres à un millimètre, qui vivent dans l’eau. Ce type de phytoplancton unicellulaire se distingue par le fait de posséder une enveloppe. Ces algues s’emparent de la silice dissoute dans l’eau pour se construire des parois cellulaires, appelées frustules, aux structures élaborées et délicates. Une fois les diatomées mortes, leurs carapaces s’accumulent au fond des plans d’eau, et forment des dépôts de « terre de diatomées ».
Cette forme de poudre riche en dioxyde de silicium sert dans diverses applications industrielles et domestiques, notamment comme agent filtrant, abrasif doux, désodorisant, litière pour chat, insecticide au jardin ou dans la maison. Populaire chez les adeptes d’ingrédients naturels et du fait maison, elle est à manipuler avec soins.
Dans la pharmacie
Le silicium dans l’avenir
— Des lentilles de contact intelligentes
Les lentilles de contact intelligentes, à l’intersection de l’optique, de l’électronique et de la santé, promettent de transformer notre façon de percevoir le monde et de gérer notre santé oculaire, et même plus — rien de moins !
Ces appareils de technologie portable intègrent des circuits électroniques microscopiques à base de silicium, capables de traiter des informations et de communiquer avec des appareils externes, tout en demeurant assez flexibles et légers pour être portés confortablement sur l’œil.
Les chercheurs imaginent plusieurs fonctionnalités potentielles aux lentilles de contact intelligentes. Elles pourraient par exemple afficher des informations directement dans le champ de vision du porteur, mesurer en continu la pression intraoculaire pour le suivi du glaucome, ou encore surveiller les niveaux de glucose dans les larmes. Des prototypes proposent déjà des capteurs pour la réalité augmentée ou des microcaméras. Cependant, le développement de ces dispositifs connaît certains défis, notamment en termes de sécurisation des données et de sécurité sanitaire à long terme.
— Les organoïdes, cultivés sur silicium
Les organoïdes sont des organisations cellulaires en trois dimensions cultivées en laboratoire, qui reproduisent la structure et certaines fonctions des organes humains. Ces mini-organes sont composés de cellules souches, et sont construits sur des échafaudages de silicium, pour imiter au mieux l’environnement physiologique complexe des organes réels.
Pas plus gros que quelques millimètres, ils servent principalement en recherche biomédicale. Ils permettent d’étudier les mécanismes de développement des organes et des maladies qui les touchent, et de tester de nouveaux traitements de manière plus éthique et précise que les modèles animaux ou cellulaires traditionnels.
En 2024, des chercheurs suisses affirment avoir créé, à l’aide de 16 organoïdes du cerveau humain, le premier « bioprocesseur » au monde. Cette puce du futur serait un croisement entre le biologique et l’électronique, un microprocesseur bionique qui réduirait de façon substantielle l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’intelligence artificielle — jusqu’à 1 million de fois moins !
En conclusion
En attendant plus de recherche et de développement sur ces très récentes avancées, nous pouvons pressentir que l’avènement de ces organoïdes cérébraux poserait un jalon dans l’évolution de l’espèce humaine. Est-ce que cette nouvelle force d’intelligence décuplée permettrait de concevoir des solutions équitables et efficaces pour sauver la planète et ainsi, ses réserves de silicium ? Nous pouvons l’espérer.